Jonathan Coe propose une véritable radioscopie de l’Angleterre de 2010 à 2017 en convoquant une dizaine de personnages. On retrouve Benjamin Trotter, écrivain introverti et solitaire, dernier représentant de l’espèce « romancier britannique blanc de plus de 50 ans », installé à la campagne. Autour de lui, évoluent des membres de sa famille, des amis et des connaissances appartenant à la basse et haute middle-class anglaise conservatrice ou travailliste. Le récit débute dans une Angleterre plongée, de 2010 à 2012, dans un sommeil profond et bienheureux, un territoire calme et stable, en bonne intelligence avec lui-même dont le point d’orgue est le rassemblement de millions de gens disparates à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des JO à Londres. Il se poursuit de 2014 à 2016, avec l’ébranlement des certitudes et des esprits, les déchirements et les incompréhensions nés à l’occasion de la campagne du Brexit. Il s’achève en 2017 avec l’attentat de Londres et le bourbier du Brexit, véritable camisole de force que revêt la vieille Angleterre. Outre le style truculent, teinté d’ironie, de cynisme et de dérision de l’auteur vis-à-vis de ses compatriotes, la force et l’intérêt de ce roman résident dans la multitude des questions tant individuelles que collectives qu’il aborde : installation dans une vie conventionnelle (mariage, enfants, carrière, statut social), affres d’un écrivain en panne d’inspiration, multiculturalisme de la société anglaise, tyrannie du politiquement correct, cirque médiatique et dérives des réseaux sociaux, suprématie du capitalisme, hystérie collective des campagnes politiques. Une lecture très réjouissante !