Que dire encore de la mélancolie de la femme au foyer, dotée d'un mari aimant et de beaux enfants, huppée, qui plus est, mais, envers et contre tout, morte d'ennui... Madame Bovary fut la première, bien que sans enfant, d'une longue série d'épouses adultères en littérature, rêvant d'hommes plus grands que le leur, qui les sortiraient par force, presque par effraction, du chemin lent et routinier de la vie comme elle va.
Avec beaucoup de tenue et de tension, l'auteur réalise un portrait féroce de ces femmes inactives, en particulier d'Anna Benz, personnage principal, réduites par leur seule faiblesse et complaisance à correspondre si exactement à l'image que des siècles de misogynie ont opiniâtrement mythifiée.
Un très bon roman, qui ne fait pas vraiment la part belle aux femmes mais forge un point de vue original, expose une part obscure de la psyché féminine. A la fin de la lecture vous êtes sortis de la douce torpeur des héroïnes romanesques auxquelles on s'identifie facilement car les personnages de J.A. Essbaum ne sont ni des super-héroïnes, ni d'innocentes victimes.