La narratrice, 23 ans, assistante photographe, d’origine vietnamienne, née au Laos et exilée en France à l’âge d’un an, s’adresse à son frère ainé. Jouisseuse de la vie et collectionneuse d’amants, elle s’est opposée à une vie toute tracée par ses parents qui ont fait le choix de fuir le régime dictatorial au Laos. Le frère aîné, promis à une carrière sportive puis devenu comptable, est en dépression depuis son licenciement. Revenu dans l’appartement familial, il y vit dans un état léthargique. L’annonce du décès de la grand-mère maternelle provoque un séjour au Laos pour y organiser les funérailles. Cette parenthèse dans la vie de la narratrice, sa mère et son frère est l’occasion de se dépouiller de leurs habitudes et addictions dans une atmosphère mêlée de torpeur, moiteur, chaleur, lenteur, stupeur et déni. Dans cette géométrie familiale perturbée, dans un contexte de réintégration dans l’environnement natal provoquant des effets de miroirs et des décalages (entre deux cultures, deux pays, deux langues, deux paysages intérieurs et extérieurs), la narratrice prend conscience que la vie est pleine de doubles fonds. Sous le signe de la fuite et de l’évasion, ce roman fourmille d’interrogations sur la transgression familiale, les valeurs initiales et les principes d’éducation aride, endurcis par l’exil, l’appartenance à une double culture, l’amnésie, l’ingratitude, la précarité des attaches. Le style, dans un souci du détail, emprunte au vocabulaire de la photographie, utilisée comme un médium de reconnexion avec la terre d’origine et pour illustrer les ressentis, tels les corps décrits en angles morts. La maîtrise et la puissance de ce premier roman sont remarquables.